Jura novit curia, signifiant en latin “Le juge connaît le droit”, est une maxime juridique qui exprime le principe selon lequel il appartient au juge de connaître, interpréter et appliquer le droit, indépendamment des arguments juridiques avancés par les parties.
Cette maxime reflète une règle fondamentale dans les systèmes juridiques basés sur le droit civil, où le rôle du juge dépasse la simple fonction d’arbitre des faits pour inclure celle d’expert en droit.
La maxime trouve son origine dans le droit romain classique, où les juges (ou magistrats) étaient chargés de trancher les litiges en s'appuyant sur les normes juridiques connues et reconnues, même si celles-ci n’étaient pas évoquées par les parties.
Les juristes médiévaux, notamment les glossateurs et post-glossateurs, ont codifié et renforcé ce principe en développant l’idée que le juge est l’interprète ultime des textes juridiques.
Aujourd'hui, jura novit curia est un principe central dans les juridictions civiles et administratives, tout en étant partiellement reconnu dans les systèmes de common law sous des formes différentes.
Le principe implique que le juge :
Cependant, ce principe est limité :
Dans un litige contractuel, même si une partie ne soulève pas une règle juridique pertinente, le juge peut et doit l’appliquer.
En matière pénale, ce principe est limité par le respect des droits de la défense. Cependant, il permet au juge de requalifier un acte en une infraction différente, tant que cela ne cause pas de préjudice à l’accusé.
Le juge administratif applique également ce principe pour veiller à la légalité des actes administratifs, même si les parties n’invoquent pas les textes ou principes juridiques appropriés.
Dans les litiges entre États ou organisations internationales, jura novit curia est souvent invoqué pour permettre aux juges d’appliquer des normes internationales pertinentes non mentionnées par les parties.
Le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas prouvés ou soumis au débat contradictoire entre les parties.
Le principe ne doit pas conduire à une prise de position partiale du juge. L'application d’une règle non invoquée doit respecter l'équilibre entre les parties.
Dans certaines juridictions ou matières, comme l’arbitrage ou certains litiges de common law, le juge ou l’arbitre est limité par les arguments avancés par les parties.
Dans une affaire française, une partie avait omis de réclamer la restitution d’arrhes versées pour un contrat annulé. Le juge, en application de jura novit curia, a ordonné cette restitution en invoquant les dispositions pertinentes du Code civil.
Un juge administratif a requalifié un contrat d’entreprise en contrat de travail pour protéger les droits sociaux d’un travailleur, bien que cette requalification n’ait pas été demandée par les parties.
Le principe jura novit curia illustre une vision du droit comme un cadre supérieur, au-delà des compétences des parties. Il symbolise l'idée que la justice repose sur des règles universelles, que le juge a le devoir de protéger et d'appliquer, indépendamment des erreurs ou des omissions des plaideurs.
Cependant, il pose aussi des questions sur la limite du pouvoir judiciaire et l’importance du contradictoire dans la recherche de la vérité et de l’équité.
Jura novit curia est un principe fondamental du droit moderne, garantissant que la justice ne soit pas entravée par des erreurs juridiques ou des oublis des parties. Appliqué avec discernement, il contribue à l’équité et à l’universalité du droit. Cependant, son usage doit être équilibré pour préserver la neutralité judiciaire et les droits des parties.