Nemo auditur propriam turpitudinem allegans, traduit en français par “Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude”, est une maxime juridique fondamentale qui exprime le principe selon lequel une personne ne peut invoquer son propre comportement illégal ou immoral pour obtenir un avantage en justice.
Ce principe, qui trouve son application dans de nombreux systèmes juridiques, vise à empêcher quiconque d’utiliser des actes répréhensibles comme fondement de revendications ou de droits devant un tribunal.
La maxime tire ses racines du droit romain, où elle visait à maintenir une cohérence morale et juridique dans les interactions entre les citoyens. Les jurisconsultes romains rejetaient les arguments fondés sur des actes immoraux ou contraires à l’ordre public.
Au Moyen Âge, les juristes européens, influencés par la redécouverte du droit romain et la pensée chrétienne, ont réaffirmé ce principe pour garantir que les lois servent la justice et non les intérêts immoraux des individus.
Aujourd’hui, Nemo auditur constitue un principe général appliqué dans divers domaines juridiques, en particulier le droit civil, pénal et administratif. Il est aussi intégré dans certaines jurisprudences internationales.
En droit des contrats, un individu ne peut invoquer une irrégularité qu'il a lui-même provoquée pour échapper à ses obligations.
Les litiges familiaux font également appel à ce principe, notamment en matière de mariages ou d’adoptions frauduleuses.
En droit pénal, un accusé ne peut justifier son comportement illégal en invoquant sa propre turpitude.
Les principes de probité administrative imposent qu’un individu ne puisse tirer parti de sa propre irrégularité dans ses relations avec l’administration.
Ce principe est parfois appliqué dans des conflits internationaux pour rejeter les revendications basées sur des violations du droit international.
Pour qu’une situation relève de Nemo auditur, certains éléments doivent être démontrés :
Lorsqu’un tiers de bonne foi est impliqué, Nemo auditur peut ne pas s’appliquer, afin de préserver les droits de ce tiers.
Dans certains systèmes juridiques, la turpitude personnelle peut être ignorée après un certain laps de temps, en raison des règles de prescription.
Certains domaines juridiques, notamment le droit pénal, peuvent atténuer l'application stricte de cette maxime en fonction des circonstances spécifiques (par exemple, en cas de contrainte ou de nécessité).
Une affaire judiciaire célèbre où un individu ayant participé à une fraude immobilière a tenté d’annuler une vente en invoquant cette fraude. Le tribunal a rejeté sa demande, appliquant Nemo auditur.
En droit français, plusieurs décisions ont confirmé qu’une partie ne pouvait invoquer un contrat fictif qu’elle avait elle-même orchestré pour échapper à des obligations fiscales ou contractuelles.
Dans certains cas d’arbitrage international, des entreprises impliquées dans des actes de corruption ont vu leurs revendications rejetées en raison de leur propre comportement frauduleux.
Le principe Nemo auditur propriam turpitudinem allegans repose sur des valeurs fondamentales de justice et d’équité. En empêchant les individus de tirer profit de leur propre immoralité, il garantit une cohérence morale et juridique dans les interactions sociales et institutionnelles. Ce principe incarne également l'idée que le droit ne doit pas servir de refuge pour les comportements contraires à l’ordre public.
Le principe Nemo auditur propriam turpitudinem allegans joue un rôle central dans la protection de la justice et de l’équité au sein des systèmes juridiques. Bien qu'il puisse être soumis à certaines limites ou exceptions, il constitue un garde-fou essentiel contre l’exploitation abusive du droit par des individus aux comportements répréhensibles. Sa pertinence transcende les frontières, s’appliquant aussi bien au niveau national qu’international, et garantit que les institutions demeurent des espaces de probité et de justice.